« Il y a une narration dans Strangers effectivement très abstraite.
Quand je travaillais sur ce livre, j’étais à fond sur le film Waking Life et tout ce qui touche les rêves éveillés, des interviews de David Cronenberg, Paul Verhoven et David Lynch, qui parlent beaucoup de sexe et de violence dans leurs films.
Mais je ne suis pas tant influencé par la bd, je n’ai pas de culture bd mainstream ou très peu d’ailleurs.
Tout ça est très frais dans mon parcours “graphique” et mes plus grandes inspirations sont les gens que je rencontre surtout.
Les expériences que je partage. »

(Extrait de l’entretien de Theo VonWood par Peggy Ann Mourot, réalisé par mail en août et septembre 2018 à l’occasion de la sortie du graphzine “Twisted” de Theo VonWood chez Phantasticum Press)
http://phantasticum.fr/entretien-vonwood-mourot/

 

Dans Strangers sortie aux Éditions Epox & Botox, je me pose ces questions : Qu’est-ce que c’est un étranger ? Qu’est-ce que l’étrangeté ?

À travers une invasion de monstres, une femme qui lit un livre et se transforme petit à petit pour finalement se faire envahir, dévorer par le livre. Le savoir et la connaissance deviennent une épidémie tout comme l’immigration qui amène aux questions des épidémies de frontières, des barrières, des barbelés physiques et mentaux. La couverture de Strangers représente la guerre, les monstres, les robots qui viennent nous envahir représentent nos peurs, nos angoisses, nos pires cauchemars, nos fantasmes, un peu comme chez Lovecraft ou E. Poe. J’écris souvent “borders” dans des seringues ou “normal”.
On fait la guerre parce qu’on a peur de la vie, de la différence et en même temps de notre unité et parce qu’évidement l’argent est plus importante que l’humain !
L’ego, la mauvaise part de l’ego je dirais la part des ténèbres qui fait que l’homme se déchire, se sépare, s’endommage.
Alors on range tout dans des petites cases, les religions, les couleurs de peau, les cultures, etc etc…
Qu’est-ce que cela veut dire : « être un étranger ? » On est tous des étrangers sur cette planète dans cet étrange univers ?
Les pilules et les seringues de normalité pour nous sauver de toute cette folie. Une dose de normalité et tout va bien.
Strangers et Normal expriment la même chose, pour moi la normalité est comme le camouflage de la folie, il faut être fou pour avoir envie d’être normal, la normalité ça n’existe pas.
On est tous fous et complètement névrosés, différents, authentiques et en même temps similaires.
On essaye juste de camoufler tout ça avec une autre idée, celle de la stabilité, en achetant des meubles chez Ikea, des voitures, des maisons, des animaux, des êtres humains, des amis, des likes, des guerres, des maladies, des enfants, des organes, du sexe…
La vie est instable, c’est le chaos. La vie est dangereuse, la vie c’est prendre des risques.
Destruction et création sont à l’image de notre univers. C’est ce que j’essaye d’exprimer je crois.